Alexandre Dumas • Le Père la Ruine

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Dans ce roman paru en 1860, Alexandre Dumas se rappelle une retraite au bord d'une Marne encore naturelle. Un humble pêcheur en a fait le domaine de son mode de vie simplicime. Il lui faudra défendre celui-ci contre les empiétements venus de la capitale, contre la déchirure des rapports humains qu'ils entraînent avec eux. Dumas nourrit ce récit touchant de souvenirs personnels de la vie rustique, de son attention aux usages techniques traditionnels (ici, le langage et les codes de la pêche) et de son respect pour l'«héroïsme» des humbles, en l'occurrence la passion pour une autarcie libre. Il consigne en scènes réalistes, avec ironie, et par grande sympathie envers les pauvres gens, l'extension brutale et bruyante d'un «progrès» laminant toute singularité sensible sur son passage. Au-delà d'un mélodrame romantique, cette tragédie est le véritable sujet historique d'une œuvre méconnue.
Depuis qu'a paru la présente réédition de ce roman en 2000, j'ai appris de savantes biographies que Dumas habita occasionnellement une maisonnette dans le pays décrit par Le Père la Ruine. L'auteur témoigne ainsi d'un drame qu'il put alors constater, la lutte entre l'embourgeoisement, qui deviendrait banlieusard, de la campagne traditionnelle et, d'autre part, la noblesse incivile des déclassés, pauvres braconniers et derniers hommes des bois. Et il en fait la trame d'une narration que la même exactitude nous dit être de collaboration (avec Cherville). Avec ce dernier, la collaboration peut être aussi co-élaboration : Tenez, Cherville, vous m'écrirez ceci, et puis cela, et nous glisserons ce développement. Que des auteurs pressés ou épuisés aient dicté ce qu'ils ont signé est banal et connu.
Bien des œuvres de Dumas résultent de collaboration (il s'en explique d'ailleurs dans la confidence placée en postface à ma réédition de Conscience l'innocent, autre roman rustique et humilitaire bien négligé, quoi qu'il est sans conteste de Dumas, et plein de son pays natal). Ni l'historicisme de Maquet ni l'invraisemblance de certains personnages trop dramatiques (par exemple la belle Constance Bonacieux, héroïne éthérée mais comploteuse, affublée qui plus est d'un époux aubergiste) n'empêchent de lire les Trois Mousquetaires comme une création de Dumas.
La direction et l'ambiance, les accents et le mélodrame du Père la Ruine, beaucoup de l'écriture, sont dumasiens, déployés vers une conclusion paroxytique apprêtée pour une adaptation théâtrale. Ceci étant (ayant été constaté aussi par des exégètes dumasiens d'antiques dictionnaires), il faut sans doute comprendre le drame central de ce livre, tel que je l'ai évoqué, pour reconnaître un thème cher à Dumas (ressortant de ses Mémoires ou de ses évocations du Valois et du pays cotterézien), l'évocation d'un univers anté-moderne, avec sa noblesse empirique dans une nature impolluée — thèmes romantiques qui nous apportent ici, aspect assez original pour être noté, un drame non historique au sens anecdotique ou aventureux, mais sociologique.
Comme pour Conscience l'innocent, tenu pour négligeable alors que l'auteur y attachait une grande importance, cette spécificité explique en partie le mépris où sont tenues ces œuvres, qui ne présentent pas davantage de longueurs ou d'errements que bien des suites aventureuses «chevaleresques». (J.-L. P.)
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