Jean Challet • Figures de l’art roman

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Longtemps, le photographe Jean Challet a sillonné les terres de l’art roman (centre et centre-ouest de la France notamment), à la recherche des éléments constitutifs et décoratifs des monuments (églises, monastères…, fameux ou non). Dans leurs détails, ceux-ci ne sont pas nécessairement accessibles, ni clairement visibles : haut placés aux détours des arcs, des colonnes et des voûtes, dans des lieux peu ou mal éclairés.

C’est dire qu’ils sont souvent méconnus. Patience, mesure du temps d’exposition de la pellicule, position parfois acrobatique des angles de prises de vue : l’attention du photographe se focalise sur des sculptures significatives, picturales, fantasques et poignantes. Il a effectué ainsi un portrait culturel de l’époque romane en France, embrassant les XIIe et XIIIe siècles, et qui renvoie à l’expérience et aux inquiétudes de la société. Quelle que soit sa situation dans l’évolution esthétique et dans celle des conceptions philosophiques ou religieuses qui le sous-tendent, tout corpus artistique parle de la vie dans son propre temps.

Ici, dans une apparente rudesse qui n’est pas sans évoquer la matérialité primitive que l’on redécouvrira au début du XXe siècle, les formes rugueuses et parfois indicatives interrogent l’être primordial, sa vie aux mondes naturel et humain qui se conjuguent dans les évocations de la chair et de l’animalité. Nature que l’on pourrait dire animiste et âme sensible dans la corporéïté : les passions et les désirs marient et fusionnent l’humain et l’animal, suggèrent une monstruosité parfois ludique, parfois anxieuse, dont les aventures et les gestes concrétisent l’indissoluble épreuve mythique et vécue à la fois dans la finesse de l’expressivité.
C’est aussi le siècle (l’univers social) qui se lit dans ces tableaux : héros aux prises avec les monstres, avec leur propre violence, avec leur aspiration à la paix ; humbles dépouillés dans l’immensité des espaces, foulés aux pieds, dévorés par leurs peurs. On sait que la Renais­sance du XIIe siècle ne confirme pas l’ancienne image d’un Moyen Âge barbare et guerrier. Ce que l’art roman manifeste, à travers ces figures, c’est un éon, au sens d’Eugenio d’Ors, une constante artistique et culturelle : de façon exemplaire, c’est le tourment et la vitalité d’un être au monde naturel, physique, sexué, mû et ému par l’immensité insondable de ses propres facultés. Cet éon traverse tous les temps : l’art moderne et la psychanalyse lui donneront d’autres noms, d’autres formes, avec des réminiscences attestant d’une permanence et de sa vérité. Le présent recueil photographique donne à voir quelques pages suggestives d'un livre sculpté en écho aux écrits de ce temps.

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