Le «pauvre Rutebeuf» écrivit des années 1250 aux années 1270. Il suit de peu l’apogée de la civilisation gothique, pour en dire «rudement» la déchirure, les contradictions, la misère. Auteur irrévérencieux de pamphlets contre les ordres monastiques liés à l’évolution du pouvoir monarchique («Saint-Louis»), il figure dans la poésie française parmi les premiers témoignages d’une dissidence et de sa souffrance endurée en ses aspects les plus quotidiens et concrets, jusqu’à l’angoisse existentielle et la solitude («L’espérance du lendemain / Ce sont mes fêtes»).
Il stigmatise le règne d’«Hypocrisie la renarde / Qui oint dehors et dedans larde», l’inversion et la déliquescence des valeurs apparemment triomphantes du siècle, l’assèchement des relations humaines dans la progression des échanges marchands.
Ses libelles ont été célèbres et l’ont sans doute desservi. Il a traversé des périodes d’extrême dénuement : ce sont alors les poèmes de l’infortune, qui sont aujourd’hui les plus connus. Clerc laïc, il recherche des protections lorsque «Générosité est morte» : fût-ce dans le développement de thèmes conventionnels et de commande (comme les virulents et satiriques appels à diverses croisades), il poursuit son style, son irrespect, son tourment devant «l’état du monde / Qui de bien se vide, émonde».
La présente traduction-adaptation respecte les rythmes, s’attache à restituer la plus grande part des jeux d’écriture, la lyrique des constructions verbales, maints jeux de mots, la majorité des rimes.