Petit Lexique des Injures et notions racistes des langues françaises
par Jean-Louis Mohand Paul
Éd. originale juin 2019 / 128 p. 14 x 20 cm, isbn 978-2-84505-250-5 / Distribution Hachette
Un lexique, habituellement, propose un ouvrage usuel, un abrégé commode pour situer un mot ou une notion, un guide pour savoir que dire. Or voici un lexique qui répertorie, sans prétention à l’exhaustivité, des mots ou des acceptions injurieuses à ne pas employer.
À une notion et à un mot racistes, il est nécessaire de relier le processus de leur formation, leurs autres significations qui contribuent à leur résonance et demeurent plus ou moins sous-entendues, qui les spécifient malgré l’apparence anodine de leur banalité. Cet écho se combine avec la réminiscence de relations socio-historiques.
Ce que disent ces insultes racistes, ce sont les réseaux complexes d’impressions subjectives et communautaires, leur enracinement psychologique dans le vécu, leurs relations et leur évolution aléatoires dans une histoire incomprise. Quelques notes annexes abordent des implications actuelles de la zizanie xénophobe. (J.-L. M. P.)
Extrait : Notices Pignouf à Quenelle :
pignouf = Avare ; individu grossier, mal élevé. = Ce subst. s’associe pour moi, dans la langue familière de mon enfance, aux acceptions antisémites de juif. Je n’en trouve pas d’occurrences attestées, mais les sens populaires de cordonnier ou de savetier, métiers souvent pratiqués par les immigrés juifs d’Europe centrale en France, ainsi que d’avare (Delesalle, Édouard) peuvent être les liens. L’étymologie probable, ou l’analogie abréviative, avec pignoratif, prêt sur gage (venu du latin pignus : enjeu), renforcent cette impression.
Polaque (Polack, Polacre) subst. • Individu polonais. • Individu juif (d’Europe centrale).
Portos subst. • Individu portugais (abréviation liée à la ville et au vin de Porto).
pou = Parasite * très fréquent dans les «têtes blondes» ou autres des enfants scolarisés. Voir Momo *. • D’emploi péjoratif ou raciste aisé à répéter, des groupes d’immigrés ou de migrants survivant souvent dans des conditions d’hygiène abominables. • Il ne faut jamais oublier l’occur- rence cynique et monstrueuse d’une acception antisémite: Darquier de Pellepoix, un des grands responsables de la déportation de 75000 Juifs de France en tant que commissaire aux «Questions juives» du gouvernement de Vichy, déclare dans un entretien avec un journaliste de l’Express en 1978 : « À Auschwitz. On a gazé. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé des poux.» La douche étant l’instrument hygiénique pour en venir à bout... Le négationniste R. Faurisson répétera ce propos en 1987, précisant que «le zyklon [le gaz employé par les nazis dans leurs « chambres »] est un insecticide »...
poundé subst. • Mot tamoul : la vulve féminine. • Injurieux pour désigner les Indiens (habitants ou originaires de l’Inde).
prussien subst. • Le derrière, le postérieur. • Exhiber son prussien : tourner le dos, s’enfuir.
pygmée subst. • Au-delà du dénigrement frappant les primitifs *, péj. contre les individus de petites taille ou dont on veut déprécier la tenue.
quenelle subst. = Sorte de saucisse, de teinte blanche. • Sa forme longiligne a conduit à l’associer au pénis *, que la chanson où Dieudonné fait l’éloge de son geste menace de placer sans aménité ni délicatesse galante «droit dans [le] cul » de ses cibles : le « système », ceux qui le défendraient, les juifs dans toutes les acceptions antisémites de ce mot, etc. • Tandis qu’une confusion intéressée, agitée « à plaisir » par les « quenelliens » chevronnés, s’est répandue quant à savoir si le geste de Dieudonné est hitlérien et anti- sémite ou seulement témoignage d’une saine révolte, on constate déjà qu’il est sexiste et homophobe. […] • Malgré l’extrémité de son implication, elle symbolise une autocensure dont ses amateurs comprennent bien les motifs civils et juridiques et qui, par connivence, signifie nettement ce qu’un «système» despotique leur défend de prononcer. C’est ainsi que l’interdit législatif des phobies * fétichisées du racisme ne peut aider vraiment à leur dépassement. • Sous-nazie ou vanterie sexualisée (ou les deux), s’identifiant à un éloge du viol et à une menace d’agression, la quenelle comporte les implications discriminatoires et offensives à l’égard des groupes sociaux, des symboles, des individus auxquels on l’adresse